À l’heure où j’écris ces lignes, mon nom de famille est celui de mon père, un nom juif polonais. À partir du 1er juillet 2024, il devient possible d’ajouter le nom de famille de sa mère. Mon rendez-vous est pris : ce lundi, je saisirai cette opportunité unique. En ajoutant le nom de ma mère, je souhaite récupérer une partie de mon histoire maternelle, longtemps occultée.
En résumé, en épousant mon père, ma mère a aussi épousé son nom et son histoire : celle des Juifs ashkénazes, immigrés polonais, rescapés de la Shoah. Pendant longtemps, cette tragique histoire fut la seule mienne, occupant tout l’espace de mon imaginaire familial. Ce n’est que plus tard que j’ai découvert l’histoire de ma famille maternelle, encore bien mystérieuse, tant les traces de leur présence au Maroc sont minimes. Ce lundi 1er juillet, j’ai rendez-vous avec l’histoire avec un petit “h”, celle qui m’inscrit dans l’Histoire avec un grand “H”.
Quelle est cette Histoire avec un grand “H” dans laquelle je m’inscris ? “Nous sommes tous des enfants d’immigrés de première, deuxième, troisième génération…” scande-t-on dans les manifestations antiracistes. Il s’agit de l’histoire de l’immigration. Pas n’importe laquelle, celle de ceux qui ont fui leur pays pour trouver refuge ailleurs, là où ils ont été accueillis, là où ils ont pu se cacher grâce à des Justes qui faisaient partie de la résistance. Le refuge de ma mère s’appelle “Rishon Letzion”, celui de mon père “Thy-le-Château”.
Aucun de mes grands-parents n’est né en Belgique. Tous les quatre ont dû fuir pour sauver leur peau, chassés de leur pays d’origine.
Demain, dimanche 30 juin 2024, les Français devront choisir entre une France accueillante ou une France raciste.
Ce lundi 1er juillet 2024, quand je serai devant le guichet de ma mairie pour ajouter un deuxième nom à “connotation étrangère” à mon nom polonais, peut-être aurai-je assisté, la veille, à la victoire de l’extrême droite en France. Aujourd’hui, plus que jamais, je mesure à quel point mon histoire me relie à tous les immigrés, binationaux, sans-papiers, réfugiés sans oublier toutes celles et ceux qui font partie des marges.
Sur la photo de gauche mes grands-parents (Hannah et Amor Asulin), sur la photo de droite, ma mère (au milieu), entourée de quatre de ses sœurs (ils étaient 10).